Speech by Michel Barnier at the European Economic and Social Committee Plenary Session

Source: European Commission (EC) i, published on Wednesday, June 10 2020.

[Seul le prononcé fait foi/ check against delivery.]

Monsieur le Président, cher Luca Jahier,

Mesdames et Messieurs les membres du Comité économique et social européen,

Je suis heureux de participer une nouvelle fois à votre session plénière même si, dans ces circonstances particulières, beaucoup d'entre vous ne pouvez pas être physiquement présents aujourd'hui.

Au milieu de cette période, où notre priorité collective est naturellement la réponse à la crise sanitaire, économique et sociale, je veux vous remercier pour l'attention continue que vous portez à la négociation avec le Royaume-Uni.

De mon côté, je continue à considérer le Comité économique et social européen comme un partenaire important dans cette négociation.

En effet, le Brexit n'est pas uniquement une histoire politique. Le Brexit a des conséquences réelles pour les syndicats, les entreprises, et les citoyens que vous représentez.

C'est pourquoi je suis déjà venu m'adresser à vous à trois moments clés depuis la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne - la dernière fois le 30 octobre 2019, alors que nous venions d'agréer avec Boris Johnson les termes de l'accord de retrait et de la Déclaration Politique fixant le cadre et les paramètres de notre future relation.

Sur la base de cet accord de retrait, le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne le 31 janvier.

Je suis certain que beaucoup d'entre vous regrettent son départ, comme je le regrette.

J'ai toujours pensé que nous étions plus forts ensemble, à 28.

Mais nous devons nous habituer à ce nouveau format.

Nous voulons bâtir un partenariat étroit et complet avec le Royaume-Uni, ce grand pays voisin, ami et allié.

Et ce partenariat me paraît encore plus nécessaire dans le contexte économique et géopolitique actuel.

Nous partageons bien plus qu'une histoire commune, à commencer par des valeurs et un engagement envers des institutions multilatérales dont nous voyons bien en ce moment la nécessité, face aux grands défis d'actualité tels que le changement climatique, la lutte contre la pauvreté, la sécurité et la lutte contre le terrorisme, ou la maîtrise des marchés financiers mondiaux.

Et évidemment, la crise actuelle du Coronavirus accentue notre responsabilité collective - à nous Européens et Britanniques - de trouver un accord et de ne pas venir ajouter au choc économique.

Mon objectif est donc bien de trouver un accord. Mais pas à n'importe quel prix.

Vouloir ce partenariat ne nous empêche pas d'être lucides : le Royaume-Uni, en plus d'être un partenaire politique proche, se positionne comme un concurrent économique direct, à notre porte.

Bien entendu, cette concurrence est la bienvenue - à condition qu'elle soit bâtie sur des bases justes et équitables.

Trouver cet équilibre entre ambition et réalisme avec notre plus proche partenaire et compétiteur, c'est là tout l'enjeu de cette négociation qui nous occupe depuis maintenant quatre mois et demi.

N'oublions pas que le Royaume-Uni n'est pas n'importe quel partenaire.

Il est dans une position unique - sans précédent - de par sa proximité géographique avec nous (32 kilomètres entre Calais et Douvres), et le volume des échanges économiques que nous entretenons.

Voilà pourquoi le partenariat que nous allons conclure ne ressemblera pas à celui que nous avons avec d'autres pays, comme le Canada, la Corée du Sud ou le Japon, qui sont beaucoup plus lointains, et avec lesquels nous n'avons pas la même relation économique.

*

Mesdames et Messieurs,

Depuis le début de cette négociation, notre objectif a toujours été d'avancer sur tous les sujets - 11 tables de négociations - en parallèle.

Au terme de quatre rounds de négociations, dont trois organisés par vidéoconférences, cet objectif n'a pas été atteint.

Si certains sujets sont plus faciles que d'autres, nous nous heurtons au refus des négociateurs britanniques de s'engager sérieusement avec nous dans quatre domaines que nous considérons comme essentiels :

  • Le level playing field, c'est-à-dire les règles de fair play économique et commercial qui sont essentielles pour éviter des distorsions de la concurrence et des avantages compétitifs déloyaux entre nous.
  • La pêche, pour laquelle nous voulons une solution équitable, liant accès aux eaux et accès aux marchés. Et je le répète, il n'y aura pas d'accord commercial et économique sans accord sur la pêche ou sur le level playing field.
  • La coopération policière et judiciaire en matière pénale, puisque le Royaume-Uni insiste pour abaisser les standards actuels et dévier des mécanismes agréés de protection des données. Il refuse également de s'engager dans un accord avec nous sur des garanties de protection des droits fondamentaux et des libertés individuelles découlant de la Convention européenne des droits de l'Homme.
  • La gouvernance de notre future relation :

o Nous avons un peu progressé, mais pas beaucoup. Nous voulons un cadre de gouvernance unique et non pas un saucissonnage entre accords sectoriels séparés. Nous estimons ce cadre indispensable pour construire un partenariat proche et complet, et garantir ainsi l'efficacité et la transparence de sa mise en œuvre.

Nous avons aussi été déçu par le manque d'ambition et d'engagement du Royaume-Uni dans d'autres domaines :

  • Je pense notamment à la politique étrangère ou à la défense ;
  • Je pense aussi à la lutte contre le blanchiment d'argent ou la cybercriminalité ;
  • Ou alors aux questions de mobilité, et à l'inclusion dans notre accord de mécanismes de consultation de nos parlements, britannique et européen, et de la société civile.
  • Cette consultation nous paraît indispensable pour assurer la légitimité démocratique de notre accord et permettre aux parlementaires, aux partenaires sociaux et à la société civile de donner leur avis. Je sais pouvoir compter sur votre soutien sur ce point.

Aucun de ces points ne peut constituer une surprise : ils figuraient tous dans la Déclaration Politique agréée entre les 27 et Boris Johnson en octobre dernier.

Nous ne demandons rien d'autre que le respect de ce texte afin de pouvoir réussir ces négociations.

*

Mesdames et Messieurs,

Nous arrivons à un nouveau moment clé dans ces négociations, puisque nous sommes aujourd'hui à mi-chemin - d'un chemin qui est assez court, puisque le Royaume-Uni nous a dit qu'il n'accepterait pas d'étendre la période de transition.

Cela signifie que, si l'on prend en compte le temps nécessaire pour la ratification, nous disposons de moins de 5 mois - soit jusqu'au 31 Octobre - pour conclure un accord sur notre futur partenariat.

  • Pour notre part, nous avons toujours été ouverts à la possibilité d'extension, d'un ou deux ans, prévue par l'accord de retrait. Compte tenu de la situation actuelle, notre porte reste ouverte.
  • Mais cela requiert une décision conjointe avant le 30 juin. Etnous savons que ce n'est pas la position britannique. Nous devons donc utiliser le temps disponible de la meilleure manière possible pour faire avancer les négociations.

C'est pourquoi j'ai proposé au négociateur britannique, David Frost, d'accompagner dès la fin juin, les rounds de négociation sur tous les sujets, de réunions plus restreintes pour nous concentrer sur les points difficiles.

Cela ne changera naturellement pas notre engagement en faveur de la transparence de cette négociation, notamment vis-à-vis des États membres, du Parlement européen, des partenaires sociaux et de la société civile, que je continuerai à informer régulièrement.

Nous avons l'espoir de pouvoir ainsi donner une nouvelle impulsion aux négociations.

Néanmoins, les blocages actuels ne sont pas liés à la méthode ou au calendrier, mais à la substance et, en particulier, au fait que le Royaume-Uni ne cesse de revenir en arrière sur ses engagements de la Déclaration Politique.

Pour lever ces blocages, il est essentiel que chacun comprenne bien trois points fondamentaux du mandat que les 27 Etats membres m'ont fixé pour cette négociation avec notre plus proche partenaire et concurrent - mandat qui est soutenu par le Parlement européen et que vous connaissez bien.

1/ Premier point : un accord ambitieux n'est possible que dans un cadre de concurrence juste et équitable.

En matière commerciale, le partenariat que nous proposons au Royaume-Uni est sans précédent : zéro tarifs, zéro quotas sur tous les biens, ce qui est une première dans l'histoire des accords de libre-échange négociés par l'Union.

Et ce partenariat irait bien au-delà des biens. Il couvrirait les services et l'investissement, la propriété intellectuelle et les marchés publics, l'énergie, les transports, la pêche et beaucoup d'autres secteurs.

Mais, évidemment, un partenariat économique aussi ambitieux doit s'appuyer sur un cadre de de concurrence juste et équitable, un level playing field.

Nous voulons une concurrence libre et forte. Mais il faut également qu'elle soit juste.

Nous ne pouvons tout simplement pas donner au Royaume-Uni accès à notre marché de 450 millions d'habitants sans des règles précises garantissant le respect des règles de fairplay économique et commercial.

Pour l'instant, le Royaume-Uni nous demande de le croire sur parole, en nous assurant qu'il ne s'engagera jamais dans une concurrence non équitable, ni ne cherchera à diminuer les standards européens. Il nous dit même qu'il maintiendra des standards supérieurs aux nôtres.

Et pourtant, les négociateurs britanniques refusent de s'engager dans notre accord - comme nous en étions convenus à l'article 77 de la Déclaration Politique - à maintenir les normes élevées communes applicables dans l'Union et au Royaume-Uni au terme de la période de transition pour :

  • la concurrence et les aides d'Etat,
  • la protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique,
  • les droits sociaux et des travailleurs,
  • les questions fiscales.

Sans ces garanties, qui nous dit que, dans le futur, aucune partie n'aura recours aux aides d'Etat ou à des dérogations aux standards sociaux ou environnementaux pour gagner un avantage compétitif ?

  • Cela créerait une concurrence déloyale pour nos entreprises.
  • Cela porterait atteinte aux travailleurs de l'UE comme du Royaume-Uni.
  • Cela affaiblirait la protection des consommateurs.
  • Et cela ne nous aiderait pas à relever les grands défis qui sont devant nous, comme le changement climatique, la pollution et la montée des inégalités.

Sur ce sujet, je suis prêt à trouver des compromis, mais il faut que les Britanniques acceptent que la Déclaration Politique est un texte précis, qui doit maintenant être traduit juridiquement. Ce texte, que nous avons négocié point par point d'un commun accord avec Boris Johnson, contient des points très importants, comme les clauses de non-régression pour les droits sociaux et environnementaux, des engagements sur le climat ; et l'objectif d'éliminer entre nous le risque d'avantages compétitifs injustifiés.

Nous ne demandons rien d'autre que ce qui est écrit politiquement soit traduit juridiquement.

Notre position est donc claire : un accord équilibré de level playing field et un accord de pêche font partie intégrante de notre futur partenariat économique.

Ladies and gentlemen,

2/ This brings me to my second point: we cannot accept the UK's attempts to cherry-pick parts of our Single Market benefits.

During its 47 years of membership, the UK built up a strong position in the EU market in a number of strategic areas: financial services, business and legal services, and also as a regulation and certification hub and a major entry point in the EU single market.

In great part, this was made possible by the fact that the UK was an EU Member State, within the Single Market.

As it prepares to leave the Single Market and the Customs Union, we must ask ourselves whether it is really in the EU interest for the UK to retain such a prominent position.

  • Do we really want to consolidate the UK's position as a certification hub for the EU, knowing that it already controls some 15%-20% of the EU certification market?
  • Do we really want to take a risk with rules of origin that would allow the UK to become a manufacturing hub for the EU, by allowing it to assemble materials and goods sourced all over the world, and export them to the Single Market as British goods: tariff- and quota-free?
  • Do we really want the UK to remain a centre for commercial litigation for the EU, when we could attract these services here?

When considering our options, we need to look beyond the short-term adaptation costs, to our long-term economic interests.

Even more so in the context of ensuring Europe's economic recovery after the Coronavirus crisis.

The United Kingdom insists it is asking for nothing more than well-established precedents.

But the truth is that, in many areas, it is demanding a lot more than Canada, Japan or any of our other FTA partners!

In many areas, it is looking to maintain the benefits of being a Member State.

It is looking to “pick and choose” the most attractive elements of the Single Market - without the obligations.

For example, the UK demands:

  • To maintain almost complete freedom of movement for short-term stays for UK service providers;
  • To maintain a system for the recognition of professional qualifications that is as complete and broad as the one we have in the European Union;
  • To have its customs rules and procedures recognised as equivalent, while refusing to commit to the necessary compliance checks and monitoring, or alignment to EU rules where necessary.
  • To be able to co-decide with the Union on decisions relating to the withdrawal of equivalences for financial services, when they know these are - and must remain - our own, autonomous decisions.

We cannot allow, and we will not allow, this cherry-picking.

  • For one: the United Kingdom chose to become a third country. It cannot have the best of both worlds!
  • For another: this is simply not in the overall long-term political and economic interest of the European Union.
  • And finally, there is no automatic entitlement to benefits given by the EU under previous FTAs.

Every agreement we have - with Canada, South Korea or Japan - has been tailor-made to the partner with which we negotiated.

Ladies and gentlemen,

3/ My third point is that: However good the agreement we reach with the UK, our trade relationship will never be as fluid as it is today.

We need to accept this and prepare for it.

The UK has chosen to leave the Single Market, the Customs Union, the VAT and excise duty area,and all the EU's international agreements.

This choice - its choice, not ours - will have automatic - mechanical - consequences as of 1 January 2021, even if we reach a good agreement with the UK.

Businesses in the EU and in the UK must prepare for these changes.

Let me give you some examples of what will happen on 1 January 2021, whatever the outcome of the negotiation:

  • UK firms will lose the benefit of the financial services passports.
  • As a third country, the UK will no longer be able to grant marketing authorisations for pharmaceuticals or type-approvals for cars for the EU market.
  • There will be customs formalities for all goods entering the EU customs territory.

All these are mechanical consequences of leaving the Single Market and the Customs Union.

No FTA - no matter how ambitious - can change this.

Therefore, it is the responsibility of each of us, in particular businesses and public administrations, to prepare.

I know that your Committee is reflecting on initiatives to raise awareness on the need to prepare, and I am grateful for this.

The Commission, too, will be stepping up its readiness actions.

It has already published a series of “notices” to help.

These should be mandatory reading for every industry stakeholder exposed to the United Kingdom - and we would be grateful if you could share them with your partners.

*

Ladies and gentlemen,

We want a very ambitious economic partnership, but it must reflect the long-term economic and political interests of the EU.

This is not a dogmatic or technocratic position.

Simply: we will never compromise on our European values or on our economic and trade interests, to the benefit of the British economy.

Sometimes I hear people in the UK public debate say that the EU has unreasonable positions.

  • But they are only unreasonable for those who refuse to accept that Brexit has negative consequences for the UK.
  • They are only unreasonable if your starting point is that the EU should not have the sovereign power to define its own conditions for giving access to its own market.

Our position has been known for years - it was already set out in the European Council guidelines of 2017.

And our negotiation mandate has been carefully elaborated on this basis:

  • to protect our interests;
  • to protect our greatest achievements - in particular our Single Market;
  • and to limit the economic damage that Brexit inflicts on EU businesses and consumers.

And this mandate is sufficiently flexible to find compromises with the UK.

During the past negotiation rounds, the UK must have taken note of the EU's willingness to search for compromises.

What we now need to make progress are clear and concrete signals that the UK, too, is open to work on an agreement.

There is no need to change or adjust the EU mandate.

We can find the necessary compromises, on the condition that the UK changes its approach and accepts a proper balance of rights, benefits, obligations and legally binding constraints, based on the respect of the agreed Political Declaration of last October.

That declaration is the only valid starting point for the negotiations.

In addition, the UK must demonstrate that it is making real tangible progress on implementing the Withdrawal Agreement in all its dimensions.

  • In particular on citizens' rights, where we continue to be extremely vigilant with regard to more vulnerable citizens that have difficulties applying digitally. And on our side, Member States also need to ensure the rights of British nationals, in the same way.
  • And on the correct and effective implementation of the Protocol on Ireland and Northern Ireland.

In this respect, the UK Command Paper published in May is useful to help focus on what remains to be done.

But there are still a lot of questions on which the UK needs to provide detailed answers, if we want to move from aspirations to operation, in line with the Protocol, which is a legally binding text.

Together with Maroš Šefčovič, we will discuss these matters this Friday, in the Joint Committee, with the UK.

Only a precise and rigorous implementation of the Withdrawal Agreement can create the confidence we need to build our future partnership.

Member States made that very clear in the mandate given to the Commission.

As you can see, there are still major hurdles ahead of us.

I hope that the High Level Discussions with Prime Minister Johnson that will take place this month will provide a new political impetus to our talks.

With determination on both sides and preparation from the business community, I am convinced that we can overcome the difficulties.

And build an unprecedented partnership between the EU and the UK for the long term.